Un coffret d’instruction : fusées françaises d’artillerie

Auteur : Minen / Stephan LALISSE






AVERTISSEMENT

Ce dossier a pour unique objectif le partage d'un bel objet de collection. Mais je me sens obligé de rappeler une vérité première : un obus est fait pour tuer, qu’il soit ancien ou récent. Un seul exemple suffira, je pense : un obus prussien tiré lors du siège de Paris en 1870/71 fit 4 morts lorsqu’il fut retrouvé, en 1968. Les explications concernant les fusées présentées ici ne sont aucunement une incitation aux collectionneurs, fouilleurs ou autres à déplacer, manipuler et encore moins démonter des engins explosifs. Ceci n’est pas un manuel pour apprenti démineur, laissons faire les professionnels. J’en profite pour saluer le courage et le dévouement de ces hommes, qu’ils soient civils ou militaires, qui prennent des risques pour le bien de tous.

I. Présentation Générale

L’ensemble présenté ici est un coffret d’instruction d’artillerie destiné aux démonstrations lors de la formation des futurs artilleurs (fig. 1). Il est entièrement construit en panneaux de bois assemblés, extérieurement verni avec charnières en laiton et deux crochets de fermeture en acier (fig. 2). Il mesure 55 cm de long pour 11 cm de large et 7 cm de haut.

Figure 1 : vue générale (du dessus) du coffret fermé
L’intérieur est aménagé pour placer 5 fusées avec leurs coupes respectives et, pour les fusées qui en disposent, un emplacement pour les ensembles mobiles en position armée (entre la coupe et la fusée complète).

Figure 2 : crochet de fermeture

Sous les fusées se trouve une bande de papier, inscrite à la plume, indiquant la désignation de chaque fusée avec, pour certaines, le type d’obus auxquels elle étaient destinées. Le coffret montre clairement des traces d’utilisation : rayures, taches de graisse et de poudre, marques des filetages des fusées, autant de preuves qui suffisent à affirmer qu’il a réellement servi à l’instruction. Les faces inférieures des têtes de fusées elles mêmes présentent également des traces de frottement, indiquant qu’elles ont déjà été vissées sur des obus.

Figure 3 : vue générale du coffret ouvert

Les fusées présentées sont les suivantes (de gauche à droite sur la fig. 3) :
-Fusée à 6 durées, modèle 1870
-Fusée mixte Henriet de 30 mill
-Fusée percutante de campagne de 25 mill, modèle 1875 (système Budin)
-Fusée percutante Henriet de 25 mill
-Fusée percutante Demarest de 25 mill

Toutes les fusées qui possèdent des pièces mobiles sont entièrement démontables et certaines d’entres elles sont gravées :
-La Henriet de 30 est marquée « Henriet 1875 » sur la fusée complète ainsi que sur la coupe (fig. 11)
-La Budin est marquée « BUDIN » sur la tête de la fusée complète (fig. 17)
-La Henriet de 25 est marquée, comme sa grande sœur, « Henriet 1875 »

Ces marquages mentionnent simplement le nom de l’inventeur et ne sont pas des marquages de fabricant (cela semble évident pour les marquages sur les coupes !) comme on peut en voir sur des fusées produites en grandes séries. Il est intéressant de remarquer que parmi les cinq fusées du coffret, seules les plus récentes sont gravées. Cela signifie qu’elles ont été volontairement créées pour l’usage qu’elles ont dans ce boîtier – à savoir, l’instruction – et cela permet de dater l’ensemble à l’année 1875.

Ramenons nous très brièvement dans le contexte de l’époque : la France vient de perdre la guerre de 1870 contre les prussiens. Les analyses de cette défaite ont montré une insuffisance française tant en nombre d’hommes qu’en terme d’avancée technologique. Dans les années qui ont suivi, l’armée, d’une manière générale, et l’artillerie, en particulier, sont en complète restructuration. Dans l’artillerie, justement, de nouveaux matériels, complètement différents au niveau de la mise en œuvre, commencent à apparaître. C’est ainsi que les anciens canons à chargement par la bouche vont progressivement être remplacés par des canons à chargement par culasse (canon de Reffye, 1873, en bronze) puis les canons en bronze vont être remplacé par des canons en acier (1875). Cette période voit également apparaître les canons construits suivant le système de Bange.

Bien évidemment, en parallèle de l’évolution des canons, les obus ainsi que leurs fusées doivent s’adapter à ces matériels d’une conception nouvelle. Ce coffret offre un bel exemple de la diversité des systèmes de fusées en usage à cette époque.

II. Descriptions détaillées

II.1. Fusée à 6 durées modèle 1870 système Treille de Beaulieu

Figure 4 : étiquette de la fusée à 6 durée
Figure 5 : fusée à 6 durée

Cette fusée fait partie des seules fonctionnant sur le principe du système Treille de Beaulieu à avoir été encore en service après le 7 juillet 1873. C’est en effet à cette date que les autres fusées conçues sur la base de ce système furent interdites à l’utilisation (ce sont les fusées à 2 et 4 durées pour obus à œil de 22, 25 et 30 mm). La fusée à 6 durées présentée ici armait les obus à balle de 24 kg de siège et de place modèle 1867 (calibre environ 150 mm).

D’un aspect massif, elle est construite en une seule pièce de laiton, sans aucun élément mobile. Elle mesure 88 mm de haut dont 18 mm pour la tête. La queue mesure 70 mm dont 33 mm de partie filetée. Le diamètre de la queue (partie lisse) est de 25 mm alors que la partie filetée est de 30 mm (ce qui correspond évidemment à l’œil de l’obus). La tête, de forme carrée aux coins en pans coupés, mesure 36 mm de côté. Elle est peinte en rouge. La queue de fusée est obturée dans sa partie inférieure par un disque de laiton serti (fig. 9).

Le corps de cette fusée est traversé dans le sens de la hauteur par 4 canaux. Ils sont remplis, entièrement ou partiellement, d’une composition fusante. Les canaux qui ne comportent pas de composition fusante sur toute la hauteur sont complétés par de la poudre noire instantanée. Ces canaux verticaux communiquent entre eux par l’intermédiaire de deux étages de canaux transversaux situés dans la tête (voir Fig. 6 et la coupe, fig. 5, qui montre bien l’un de ces canaux en haut à gauche). Ils sont remplis de composition fusante et débouchent sur les pans latéraux. Ces orifices sont obstrués soit par un disque de carton rentré en force et recouvert d’un tampon de cire, soit par une plaquette de laiton sertie recouverte elle aussi de cire. Ces derniers canaux ne sont d’aucune utilité pour la mise de feu (fig. 8 en haut à droite). Seuls les canaux obturés par un carton et de la cire ont une utilité dans le fonctionnement de la fusée. Leurs orifices sont recouverts extérieurement par une pastille de papier épais coloré comportant un chiffre (fig. 8, en bas). Elles étaient recouvertes d’un siccatif.

Figure 6 : coupes transversales de la tête de la fusée à 6 durée ; a droite, étage supérieur et à gauche, étage inférieur

Il faut noter que les arrêtes supérieures de la tête comportent des entailles (fig. 7). A mon avis, celles-ci devaient avoir leur utilité lors de la construction des fusées, afin de pouvoir repérer les différents canaux et pour que les employés chargés de coller les pastilles ne se trompent pas de canal. Les numéros inscrits sur les pastilles correspondent à la distance à laquelle l’obus devait exploser. Cette distance est variable suivant le type de pièce utilisée. Le tableau ci-dessous indique ces distances.

Juste avant le tir, un opérateur débouchait l’évent correspondant approximativement à la distance de l’objectif en enlevant le bouchon de cire, le carton et en grattant une petite partie de la composition fusante. Cette opération était effectuée en utilisant la pointe en acier d’un débouchoir. Il faut noter que l’évent n° 6 devait être systématiquement débouché. Il assurait l’éclatement de l’obus en cas de raté. La mise de feu était réalisée grâce aux gaz de la charge propulsive au moment du tir.

Figure 7 : vue du dessus de la tête de la fusée à 6 durée
Figure 8 : vue de l’un des côtés de la tête de la fusée à 6 durées
Figure 9 : vue du dessous de la queue de fusée à 6 durées

II.2. Fusée mixte Henriet de 30 mm modèle 1874/75 à percuteur n° 2

Figure 10 : étiquette de la fusée Henriet de 30 mm
Figure 11 : fusée mixte Henriet de 30 mm et coupe selon l’appareil concutant ; entre les deux, ensemble mobile en position armée

Cette fusée fut conçue à partir du système portant le nom de son inventeur, Monsieur Henriet, chef artificier à l’Ecole de Pyrotechnie, en 1874. Jusqu’au 9 septembre 1882, elle armait les obus à balle de 22 cm de marine. Après cette date, elle fut remplacée dans cet usage par la fusée à double effet de siège de 30 mm. Les fusées mixtes Henriet de 30 mm modèle 1874/75 en stock furent réutilisées comme simples fusées percutantes et servirent désormais à armer les obus de 22 cm en fonte ordinaire. Il semblerait que les fusées Henriet pour obus à œil de 30 mm aient toutes été à la fois fusantes et percutantes.

Elle mesure 73 mm de haut dont 12 mm de tête et 24 mm de partie filetée. Le diamètre de la queue dans sa partie lisse est de 25 mm et le diamètre maximal de la tête est de 45 mm. Elle est traversée dans le sens de la hauteur par deux canaux en plus de deux chambres recevant respectivement un appareil percutant (fig. 12, à droite) et un appareil concutant (fig. 11). Son fonctionnement est à la fois percutant et fusant et elle est entièrement réalisée en bronze.

L’appareil concutant est destiné à la mise de feu dans le cas d’une utilisation en temps que fusée fusante (l’éclatement de l’obus se faisait pendant la trajectoire). Ce dispositif (fig. 11) comprend un concuteur (équivalent d’un percuteur) fixe, pointant sur un porte amorce mobile et maintenu séparé de celle-ci par un petit ressort (détail des pièces sur la fig. 14, en bas). Ce système est relié à un canal (fig. 11, à droite sur la coupe) rempli d’une composition fusante par l’intermédiaire d’une chambre, située dans la tête de fusée, contenant une mèche à étoupille, assurant la non rupture de la chaîne pyrotechnique. Cette chambre communique avec l’extérieur par un évent cylindrique (sur le côté de la tête) obturé avec un carton et un bouchon de cire. Elle débouche également sur le plat de la tête, obturée par un bouchon vissé (fig. 13, vis située à droite en haut). Le canal fusant en lui-même est obturé dans sa partie inférieure par un tampon de cire et communique avec la chambre à poudre du dispositif percutant.

Ce dispositif percutant (fig. 12) est constitué d’un percuteur entouré d’un ressort à l’intérieur d’une masselotte et pointant sur une amorce fixe située dans le bouchon vissé sur le plat de la tête (détail des pièces fig. 14, en haut). Il faut noter que ce bouchon est muni d’une gorge de cisaillement, bien visible sur la figure n° 12. Son utilité était d’éviter l’arrachage de l’amorce dans le cas où la tête de la fusée se serait trouvée coupée transversalement. La partie inférieure du percuteur est munie d’un petit cylindre permettant au ressort de prendre appui. Autour de ce cylindre est disposé une rondelle de carton épais. A noter également que la position excentrée du dispositif percutant n’est pas due au hasard : lors de la trajectoire de l’obus (donc après l’armement de la fusée), cela permet à l’ensemble percuteur/masselotte de rester au fond de son logement (sous l’effet de la force centrifuge), ce qui dispense de l’utilisation d’un ressort de sûreté de trajectoire. Ce système percutant est relié par un petit canal à la chambre à poudre (fig. 12, à droite), elle-même débouchant sur la partie inférieure de la queue de fusée.

Avant le tir, il fallait dégorger le canal fusant (fig. 11) d’une certaine quantité de composition fusante. Cette opération s’effectuait à l’aide d’un appareil spécialement conçu pour cet usage, muni d’une mèche. Des abaques permettaient de savoir quelle quantité de composition il fallait enlever pour obtenir l’éclatement de l’obus à l’endroit voulu. Pour n’avoir jamais vu de tels abaques, je ne sais pas si l’unité de référence était une distance ou une durée.

Comme nous l’avons dit précédemment, cette fusée fonctionne selon deux principes : fusant (à temps) ou percutant. Voyons ce qui se passe au niveau du système fusant (fig. 11) au départ du coup : la masselotte porte amorce, par inertie, vient s’avaler sur le concuteur, ce qui a pour effet d’initialiser le canal fusant par l’intermédiaire de la mèche à étoupille. Une fois la composition fusante entièrement brûlée, le feu se transmet à la charge de l’obus, provocant son éclatement. Cette transmission se fait soit directement par l’ouverture du canal fusant (sur le plat de la queue de fusée), soit par l’intermédiaire de la chambre à poudre du système percutant. Il va de soi que cette transmission du feu par l’un ou l’autre canal se faisait de manière quasi instantanée.

Simultanément, du côté du système percutant (fig. 12), la masselotte, toujours sous l’effet de l’inertie, vient s’avaler sur le percuteur. Une pièce spéciale (une petite tige en forme de U à l’envers traversant le petit cylindre) à la base du percuteur (visible sur la fig. 14, en haut) lui permet de rester en place à l’intérieur de la masselotte, laissant sa pointe en ressortir (fig. 15). A partir de ce moment, la fusée est dite « armée ». L’obus explosera à l’impact au sol, l’ensemble percuteur accompagné de sa masselotte, venant piquer l’amorce contenue dans le bouchon de tête, le feu se transmettant à la charge de l’obus par la chambre à poudre. Ce dispositif percutant fonctionne donc – évidemment – uniquement à l’impact, soit de manière volontaire (utilisation en tant que simple percutante) soit de manière involontaire (en cas de raté du dispositif fusant). Dans ce dernier cas, l’objectif visé n’aura sûrement pas été atteint mais l’obus pourra tout de même avoir accompli sa fonction meurtrière…

J’en termine avec cette fusée en citant, texto, ma documentation :
« Dans les manuels miliaires de 1883 (Terre) et de 1882 (Marine), les fusées Henriet étaient toutes définies comme fusées de 30 mm. Les illustrations de ces mêmes manuels étaient toutefois relatives à des fusées de 25 mm, la seule fusée Henriet de30 mm représentée étant à la fois fusante et percutante. Ces manuels donnaient les fusées à percuteur n° 2 modifié comme provisoirement réglementaires pour le projectile modèle 1880 en fonte ordinaire de l’obusier de 22 cm. »

Figure 12 : coupe de la fusée mixte Henriet de 30 mm selon l’appareil percutant
Figure 13 : vue du dessus de la tête
Figure 14 : en haut, système percutant (de gauche à droite : rondelle cartonnée, percuteur muni de son petit cylindre, ressort, masselotte, bouchon de tête de fusée) ; en bas, système concutant (de gauche à droite : concuteur, ressort, porte amorce)
Figure 15 : système percutant ; ensemble mobile en position armée

II.3. Fusée percutante de campagne de 25/38 mm modèle 1875 à système Budin

Figure 16 : étiquette de la fusée Budin de 25 mm
Figure 17 : fusée Budin de 25 mm et coupe ; entre les deux, ensemble mobile en position armée
Figure 18 : vue du dessus de la tête

C’est un lieutenant qui est l’inventeur de cette fusée, uniquement percutante, qui porte son nom. Elle était destinée à l’armement des obus pour canon de campagne de 5 et de 7, des obus de 80, 90 et 95 mm. Elle a également armé les obus de 138 mm de siège.

Elle mesure 62,2 mm de haut (la documentation indique une hauteur de 63,5 mm) pour un diamètre maximal de 38 mm. Le pas de vis (hauteur : 26 mm) est prévu pour les obus à œil de 25 mm. Réalisée entièrement en bronze, il semble qu’elle n’a été fabriquée qu’à l’école de pyrotechnie de Bourges. Son corps est creux et muni d’un seul canal de transmission de feu obturé par un opercule lui aussi en bronze. L’évidement de la fusée, cylindrique, contient un unique dispositif percutant obturé dans la partie supérieure par un bouchon vissé muni d’une gorge de rupture. La partie inférieure de ce bouchon présente un rugueux à une seule pointe. Sous ce bouchon se trouve l’ensemble mobile (détail des pièces en fig. 19), constitué d’une masselotte et d’un porte amorce de section rectangulaire muni d’un ressort à pince (en laiton) qui le maintient en partie à l’extérieur de la masselotte. L’amorce elle-même est située dans la partie supérieure du porte amorce. Un faible ressort-spirale (comprimé au repos) sépare cet ensemble mobile du fond du bouchon supérieur tandis qu’en dessous se trouve une rondelle de carton (épais de presque 2 mm). La coupe présentée sur la figure 17 montre cet ensemble en position de repos.

Figure 19 : ensemble mobile, de gauche à droite, rondelle cartonnée, porte amorce, joint cartonné, ressort à pince, masselotte, ressort de sûreté de trajectoire, bouchon de tête de fusée avec son rugueux
Figure 20 : ensemble mobile en position armé

Le fonctionnement de cette fusée est assez simple et inverse au système percutant Henriet : alors que dans cette dernière, c’est le percuteur qui est mobile, dans la « Budin », le percuteur (dans ce cas, appelé rugueux) est fixe et c’est l’amorce qui est mobile. Au départ du coup, la masselotte vient s’avaler par inertie sur le porte amorce, comprimant ainsi le ressort à pince et venant buter sur le fond de la fusée. La rondelle cartonnée empêche l’ensemble mobile de rebondir vers le rugueux. Le porte amorce est ainsi complètement engagé à l’intérieur de la masselotte (fig. 20 et fig. 17 au centre, pour la vue de dessus) simplement maintenu éloigné du rugueux, pendant la trajectoire, par le ressort-spirale. A l’impact, l’ensemble mobile comprime ce ressort de sûreté de trajectoire et, en venant au contact avec le rugueux, amène l’amorce à s’avaler sur ce dernier. Le feu se transmet ainsi à la charge de l’obus par l’intermédiaire du porte amorce puis par le canal percé en queue de fusée.

La tête de la fusée était gravée de l’année de chargement et les deux extrémités étaient vernies pour la protéger de l’humidité. Il faut noter qu’elle a reçu deux modifications (adoptées en 1879 par la Marine et en 1881 par l’Armée de Terre) du porte amorce et du bouchon de tête. Ces fusées modifiées étaient gravées de la lettre M.

Une dernière remarque concernant cette fusée : les schémas en coupe de ma documentation (fig. 21) montrent une forme de masselotte légèrement différente dans sa partie inférieure. Son intérieur est en effet chanfreiné sur les 4 arêtes intérieures, laissant ainsi légèrement pénétrer la partie supérieure des bossages du ressort à pince. Cette particularité n’existe pas sur l’exemplaire de ce coffret, ni sur la coupe, ni sur la fusée complète : la base de la masselotte est plane, sans chanfrein. S’agit-il d’un modèle de « présérie » ? Je n’ose penser à un prototype (!) mais il se pourrait que ce soit là une fusée non encore finalisée pour la production de masse. La très légère différence de hauteur de la fusée semble abonder dans le sens de cette hypothèse mais je n’ai à ce jour pas encore trouvé de réponse à cette particularité.

Figure 21 : coupe de la queue de fusée avec ensemble mobile

II.4. Fusée percutante Henriet de 25/38 mm modèle 1874/75 à percuteur n° 2

Figure 22 : étiquette de la fusée Henriet de 25 mm
Figure 23 : fusée Henriet de 25 mm et coupe ; entre les deux, ensemble mobile en position armée

Bien qu’extérieurement très proche de la « Budin », la coupe de cette fusée, uniquement percutante, montre bien son appartenance au système Henriet. Cette fusée est une évolution du modèle 1874 et est munie du percuteur n° 2 apparu en 1875, plus simple dans sa conception (et donc aussi plus simple et moins coûteuse à fabriquer). Tout comme la fusée Budin de 25 mm, elle armait les obus de campagne de 5 et de 7 ainsi que les 80, 90, 95 mm et le 138 mm de siège. Il semble que ces deux fusées aient été interchangeables.

Cette Henriet de 25 mm, entièrement réalisée en bronze, mesure 66 mm de haut pour un diamètre maximum de 38 mm (en théorie, car notre exemplaire ne fait que 37 mm dans son plus grand diamètre). Elle est traversée par un unique canal contenant le système percutant obturé par un bouchon porte amorce (muni d’une gorge de cisaillement) vissé sur la tête de fusée (fig. 25 à droite) et communiquant avec la charge de l’obus par un évent bouché par un opercule de laiton. Ce canal est relié à une chambre à poudre débouchant sur le plat de la queue de fusée. A noter que cette chambre à poudre est plus profonde et plus volumineuse que celle du modèle 1874.

L’ensemble percutant (détail des pièces en fig. 25) est quasiment identique à celui de la fusée mixte Henriet de 30 mm présentée plus haut. Seuls la forme de la partie supérieure de la masselotte (elle a un aspect plus « étiré » sur la 25 mm) et le diamètre de cette même masselotte les différencient. Le fonctionnement de cette Henriet de 25 mm étant identique à celui de la Henriet de 30 mm (excepté bien sûr, l’appareil fusant absent de la 25 mm), nous ne décrirons pas à nouveau le détail du principe d’armement.

Figure 24 : vue du dessus de la tête
Figure 25 : ensemble mobile, de gauche à droite, rondelle cartonnée, percuteur muni de son petit cylindre, ressort, masselotte, bouchon de tête de fusée
Figure 26 : ensemble mobile en position armé

II.5. Fusée percutante Demarest de 25 mm modèle 1859

Figure 27 : étiquette de la fusée Demarest de 25 mm
Figure 28 : fusée Demarest de 25 mm et coupe

Cette fusée, semblant sortir du moyen age de l’artillerie pourrait presque faire sourire. Elle constitue le modèle le plus ancien présenté dans ce coffret et à ce titre, elle doit être considérée avec tout le respect dû à son grand age. Cette fusée armait les obus de 4, 8 et 12. Elle semble avoir également armé les obus de 138 mm (système de Reffye) mais uniquement à titre provisoire et pour des charges propulsives inférieures à 20 rondelles de poudre. Les fusées Demarest ont existées en différents diamètres de filetage : 20, 22, 25, 30 et 31 mm. Toutes sont construites selon le même principe, seules les dimensions extérieures diffèrent.

La 25 mm présentée ici mesure 33 mm de haut. La tête est hexagonale et la distance entre deux pans opposés est de 30 mm. Le corps de la fusée est en laiton et son intérieur est creux, cylindrique, et comporte un évent de transmission de feu en fond de queue de fusée. Dans la partie inférieure de l’évidement se trouve un sabot en bois maintenant en son centre une amorce fulminate entourée d’une capsule de cuivre. Le sabot lui-même est maintenu par 2 vis à bois traversant le plat de la fusée. La partie supérieure de l’évidement est obturée par un bouchon en bois d’orme forçant légèrement sur la paroi du cylindre et maintenu par deux (ou quatre ?) clous. Il maintient en son centre un rugueux en acier pointant vers l’amorce fulminate. Le plat de la tête de fusée (fig. 29) comporte une petite plaque en acier, elle aussi hexagonale, fixée sur le bouchon en bois à l’aide de deux petit clous. Cette plaquette, servant de sécurité lors du transport, est enveloppée d’une bande de ce qui semble être du tissu (qui se termine par une languette visible sur la figure 29), le tout étant recouvert d’une sorte de cire.

Cette fusée fait partie de la catégorie des fusées percutantes instantanées à refoulement et elle ne dispose pas de séquence d’armement. Son principe de fonctionnement est des plus simple : avant le tir, un opérateur arrachait la petite plaque supérieure à l’aide de la languette de la bande de tissu. A l’impact, le bouchon en bois s’enfonçait dans l’évidement du corps de fusée et le rugueux venait frapper l’amorce fulminate, mettant ainsi le feu, par l’intermédiaire de l’évent, à la charge de l’obus.

Figure 29 : vue du dessus du bouchon de tête

Je n’ai pas d’informations concernant les marquages de cette fusée. Il est d’ailleurs probable qu’elle n’en comportait pas. Néanmoins, l’exemplaire de ce coffret présente sur l’un des pans de la tête, les chiffres 73 (difficilement visible sur la fig. 28, sur le pan à gauche), ce qui correspond vraisemblablement à l’année de fabrication.

III. Conclusions

Outre le fait qu’il constitue un bel ensemble devenu rare à trouver en dehors des musées, ce coffret d’instruction d’artillerie est particulièrement intéressant. En effet, il présente des fusées très différentes entres-elles, tant au niveau de leur conception que de leur époque de fabrication. Nous sommes ainsi en présence de fusées déjà anciennes et en fin de vie (la Demarest et, dans une moindre mesure, la fusée à six durées) qui côtoient des fusées plus modernes pour l’époque (les systèmes Henriet et Budin). Ces dernières préfigurent déjà les principes de fonctionnement des fusées percutantes de la première Guerre Mondiale, de par la présence de systèmes de sûreté plus ou moins imposés par les nouveaux projectiles et les nouveaux canons de l’Artillerie.

Un deuxième intérêt de ce coffret est qu’il présente deux systèmes créés à la même époque mais complètement différent dans leur principe de fonctionnement : le système Henriet et le système Budin. Cela reflète bien la diversité et la richesse de cette époque en matière d’avancées technologiques militaires (si toutefois, on peut parler d’avancées, sachant que ces engins sont fait pour tuer), où chacun a essayé de faire adopter par l’armée son système de fonctionnement. Les quelques fusées présentées ici ne sont qu’un petit aperçu de ce qui se faisait à l’époque dans le domaine des fusées d’artillerie, bien d’autres systèmes furent créés au cours de ces années qui ont suivi la défaite française de 1870 et précédé la première Guerre Mondiale (système Siège et Montagne, systèmes Maucourant, Saussier, Robin, Schneider, Lefèvre) mais cela n’enlève rien, néanmoins à l’intérêt de ce coffret.

IV. Liens vers des sites Internet

Pour ceux qui souhaiteraient approfondir, voici quelques liens. Il y en a beaucoup d’autres mais c’est volontairement que je ne surcharge pas ce chapitre.

- sur les fusées et obus :
Le très bon site de Bernard avec des explications très détaillées et complètes (un site incontournable à mes yeux, n’hésitez pas à aller voir les autres pages de son site, entre autre ses liens, ça vaut le détour !) :
http://www.passioncompassion1418.com/decouvertes/fusees.html

Un site en allemand avec pas mal de photos de fusées et la photo d’un intéressant coffret d’instruction d’artillerie français (il faut aller dans Gallerien) :
http://mitglied.lycos.de/zarthan/harrysseite/harrysseite/haupt.htm

- sur l’artillerie en général : A tout seigneur, tout honneur, l’incontournable site sur notre bon vieux 75 (pour ceux qui ne le connaissent pas encore !) :
http://canonde75.free.fr/

Un autre site de Bernard, dédié aux vestiges de canons de 14-18 :
http://canonspgmww1guns.canalblog.com/

Un site généraliste sur l’histoire de l’artillerie française :
http://membres.lycos.fr/artillerie/

Le site du musée de l’Artillerie à Draguignan :
http://membres.lycos.fr/artillerie/

Pour les amateurs de vieux canons… :
http://cfpphr.free.fr/canon.htm